Les Farces de Molière

 

En 2003, Jean Godel et Xavier Brousse ont l'idée de mettre en route deux des premières pièces de Molière pour les festivals d'été Suisse : Sganarelle et La Jalousie du Barbouillé. Utilisant une partie des décors de la production précédente des Barbares (La Comédie des Proverbes), ils se lancent dans cette aventure. Frédérique Farina, Anne-Loyse Joy, Laure-Isabelle Blanchet, Guillaume Lancestre, Jean-Piere Pouvreau, Xavier Brousse et Jean Godel sont les acteurs de ces farces du XVIIème siècle.

Côté mise en scène, c'est le tandem Xavier Brousse // Thierry Dafflon qui mènera cette équipe.

Voici ce qu'en dit Eric Buillard du quotidien La Gruyère, le 23 juillet 2003.

"Monter un spectacle en plein air ne pardonne aucune faiblesse. Il y faut un décor approprié, des pièces qui s’y prêtent, une mise en scène et des comédiens impeccables. C’est ce mélange difficile qu’a réussi de manière éclatante la Compagnie des Barbares. Née autour du comédien gruérien Jean Godel, la troupe helvético-française présente dès demain et pour une semaine deux pièces de Molière, dans les fossés du château de Bulle, après avoir créé son spectacle à Granges-Paccot.L’idée de ce «théâtre sous les étoiles» est née en mai dernier. Les Barbares présentaient la Comédie des proverbes, de Carmontelle, à Ermenonville, dans l’Oise. Là, dans un parc, ils se rendent compte que leur castelet de bois prend à l’extérieur une autre dimension.

En attendant la reprise des Proverbes, (à l’automne à Paris) et la création (septembre 2004) de La Bête, de David Hirson, ils décident de se lancer dans du théâtre festif et estival.

Au vu du spectacle, aucun doute: le résultat se révèle à la hauteur de l’originalité de l’initiative.D’autant plus que les pièces choisies, Sganarelle ou le cocu imaginaire et La jalousie du Barbouillé, conviennent parfaitement au genre.Dans ces deux pièces brèves se retrouve toute la force comique de Molière. Même si elles ne figurent pas parmi les plus connues ni parmi les meilleures de ses œuvres. Comédie en un acte, créée en 1660 – six mois après Les Précieuses ridicules – Sganarelle reprend des thèmes traditionnels. La jeune fille que son père veut marier contre son gré, le mari trompé… Sauf que le cocu ne l’est pas vraiment: il s’est simplement persuadé de l’infidélité de sa femme, depuis qu’il l’a vue embrasser le portrait d’un jeune homme.Jaloux et couard («Je ne suis point battant, de peur d’être battu», s’exclame-t-il avant d’ajouter «qu’il vaut mieux être encor cocu que trépassé»), ce personnage de Sganarelle permet à Jean-Pierre Pouvreau de démontrer l’étendue de son talent comique. Avec rythme et précision: deux principes qui transparaissent dans toute la mise en scène de Xavier Brousse, malgré l’exiguïté de la scène. Quant à La jalousie du Barbouillé, elle fait partie de ces farces que Molière et sa troupe ont jouées en Province, entre 1646 et 1658, après leur premier échec parisien. Tirée du Jaloux corrigé de Boccace, la pièce met en situation les personnages traditionnels du répertoire italien: un docteur pédant et ridicule, une femme rusée et volage, un mari cocu, jaloux et berné par les astuces de son épouse.

Là encore, l’interprétation se révèle sans faille et d’autant plus remarquable que la troupe n’a répété qu’une quinzaine de jours. Jean Godel est méconnaissable dans le rôle du «sac à vin de mari» et Frédérique Farina, sa «carogne» d’épouse, est irrésistible. Mais c’est l’ensemble des comédiens qui, dans les deux pièces, convainc par sa justesse et son énergie. La Gruérienne Anne-Loyse Joye, la Genevoise Laure-Isabelle Blanchet ainsi que les Français Guillaume Lancestre et Xavier Brousse complètent cette distribution fort homogène.

Décalages en humour

De son côté, le styliste Thierry Dafflon, qui a également collaboré à la mise en scène, a revisité avec humour les costumes traditionnels du XVIIe siècle, réutilisant en partie ceux qu’il avait créés pour la Comédie des proverbes. Il y a introduit la juste dose de folie qui leur permet à la fois de convenir au contexte et de susciter le rire.

Autant dire qu’ils se marient parfaitement au travail de Xavier Brousse: lui aussi intègre des éléments en apparence incongrus – un poster pour le portrait du jeune amant, un ordinateur portable pour le docteur pédant – qui se glissent toujours avec élégance dans la légèreté de l’ensemble.

En menant à bien ce spectacle original (qui partira ensuite au Tessin, du 5 au 9 août), les Barbares ont ainsi atteint leur but: renouer avec la tradition du théâtre de tréteaux. Celui qui misait sur le rire et le bonheur d’aller à la rencontre du public.

Bulle, fossés du château, du 25 juillet au 2 août, 21 h.